2017

mfc-michèle didier, Paris

Fiona Banner, Robert Barry

Pour sa 4ème participation consécutive à ART-O-RAMA, la maison d’édition et galerie parisienne mfc-michèle didier réunit au sein d’un même stand une sélection d’œuvres de Robert Barry, Fiona Banner et The Guerrilla Girls. Trois artistes questionnant le traitement du langage à travers sa représentation textuelle et/ou graphique via le support papier.

L’œuvre de Robert Barry est intimement liée au langage. L’artiste utilise les mots, il joue avec, les met en scène et les interroge. Ses Statements sont un aspect majeur de cette pratique. Avec Somethings that…, il s’agit de phrases courtes dont la spécificité semble être de n’évoquer – rigoureusement – rien. Bien que ces combinaisons de mots soient signifiantes et grammaticalement justes, aucune image ni transcription visuelle de celles-ci ne s’élaborent dans l’esprit du lecteur, seule demeure la pensée de figures possibles. Avec Barry, le langage textuel devient conceptuel, il perd sa fonction discursive immédiate pour laisser place au langage visuel. Car langage visuel il y a dans l’œuvre de l’artiste américain. En atteste le recours à une mise en forme typographique radicale et reconnaissable entre toutes. La police de caractères utilisée par l’artiste rappelle toute la puissance visuelle de ses œuvres. Les jeux formels, comme par exemple la place du texte sur l’espace de la page, entraînent une matérialisation des phrases, des mots, voire du langage lui-même.

Chez les The Guerrilla Girls en revanche, le recours au langage est un acte politique. À travers les nombreux posters distribués et/ou placardés au cours de leur différentes actions dans l’espace public, les « Bad Girls » cherchent, entre autre, à transmettre un message: « interpeller le public sur les discriminations qui sévissent dans les institutions artistiques ». Leurs posters sont donc des tracts, leurs textes des slogans. Dans cette volonté de communiquer avec le plus grand nombre, les The Guerrilla Girls ont recours à des codes simples mais percutants. Les textes sont succincts et incisifs. Les polices de couleur noires sont en gras et en très gras, et en capitales la plupart du temps. Cette efficacité du vocabulaire visuel concentre l’attention sur le contenu du discours. Il convient donc que celui-ci soit entendu. On est loin des typewriting de Robert Barry. Ici, le langage est une arme et les girls n’y vont pas par quatre chemins !

Pensées comme de véritables outils promotionnels, les quatre affiches de la série « The Greatest Film Never Made » de Fiona Banner, ont été commandées par l’artiste à trois agences graphiques londoniennes spécialisées dans l’industrie cinématographique. Chacune d’entre elles rappelle l’intensité dramatique du récit de Joseph Conrad, Heart of Darkness. Ce récit, qui occupe une place importante dans l’œuvre de Banner, relate la lente remontée du fleuve Congo par Marlow, jeune officier britannique, à la recherche de Kurtz collecteur d’ivoire porté disparu.
En ayant recours aux règles de communication traditionnelles des affiches de films, Fiona Banner impose l’image. Ici nul texte, si ce n’est le titre du film et les billing block. Et pourtant, le récit de Conrad est au cœur du propos visuel. Avec « The Greatest Film Never Made », l’artiste britannique transcrit en image la structure narrative d’un texte ayant influencé des générations de cinéastes, comme Orson Welles ou Franis F. Coppola.

Qu’il soit conceptuel, politique ou ironiquement promotionnel, le langage dont usent Fiona Banner, Robert Barry ou encore les The Guerrilla Girls est un langage artistique. C’est un langage qu’ils ont choisi, qu’ils affirment et revendiquent.