2021

Ceysson & Bénétière, Paris

Florian Pugnaire & David Raffini

Le duo d’artistes Pugnaire & Raffini est connu pour son œuvre sculpturale, mais également pour ses performances et vidéos, Driving Through crée une symbiose entre les médiums. Première œuvre narrative des artistes, la vidéo présentée est le fruit d’un long tournage, d’une écriture à quatre mains et d’un montage soigné.

 

À l’origine du projet en 2015, une résidence à la Flax Foundation de Los Angeles, pendant laquelle Florian Pugnaire & David Raffini explorent les territoires abandonnés de l’ouest américain, et les légendes urbaines qui les habitent.

 

Dans les thèmes essentiels des recherches de Pugnaire & Raffini, les matériaux et leurs états de transformation semblent s’inscrire dans une temporalité convenue, avec un passé, un présent et un avenir. Le trouble s’installe pourtant dès les premiers espaces traversés, avec la présence du personnage à la fois sur la route et dans un atelier, et par les pensées qu’il soliloque. Les paysages s’apparentent à des décors abandonnés à la fin d’un tournage ; lui, se les remémore en faisant ressurgir des bribes d’histoires passées. In fine, distinguer le vrai du faux importe peu.

 

Driving Through met en scène l’obstination d’un personnage à prélever des fragments de ruines pour construire, ou reconstruire quelque chose. Des histoires vraies se teintent de fiction dans une forme poétique, mais l’archivage du procédé demeure invariablement en toile de fond. Le film transforme une impression mythique de post-apocalypse en un récit documenté, où les matériaux portent une fois de plus le poids de la charge qu’ils contiennent. Pourtant, la puissance du sujet ne tient plus dans la fiction d’un seul en scène de l’objet éprouvé, mais plutôt dans la détermination du personnage à résister à l’effacement d’un monde.

 

Ses gestes sont précis, répétés. Primitifs. Il collecte des gravats, des matériaux, des morceaux d’histoires, qu’il transforme en accélérant d’abord leur processus de perte. Il cherche, il travaille, il oeuvre, poursuivant une route qui s’étend à l’infini. Les gravats sont concassés, jusqu’à l’extrême pour certains ; la matière morte devient première, l’origine d’un ultime ouvrage.

 

Le film raconte aussi une histoire de sculpture et de peinture. Avec la route d’abord, qui est dans presque toutes les images. Citation subtile à l’œuvre sculpturale idéale de Carl André, la route est une clé de l’œuvre. Ici, elle manifeste physiquement et intellectuellement le poids de la matière ainsi que l’ampleur d’une sorte de quête probablement utopique. Le protagoniste la suit, mais la porte aussi de ses propres mains dans un ultime et inéluctable face-à-face dans un décor immense mais clos.

 

Fahrenheit 134, l’information est donnée : la plus haute température jamais enregistrée à la surface du globe, il y a près d’un siècle, dans la Vallée de la Mort (56,7°C). Sur fond de désolation urbaine, de couchers de soleil tristement sublimes, de paysages desséchés par une chaleur écrasante, le récit s’articule autour des vérités et des légendes liées aux territoires traversés. De l’expérience éprouvée à sa reconstitution finale, les techniques sont dures, violentes parfois pour la matière première, mais s’imposent avec force pour atteindre l’essence, mémorielle, où le rebut devient relique et le vestige, un monument.

https://www.ceyssonbenetiere.com/fr/home/

 

 

Florian Pugnaire & David Raffini

Driving Through (2019)
Vidéo HD, couleur, son
36 min
Courtoisie de l'artiste et Ceysson & Bénétière

Florian Pugnaire & David Raffini

Driving Through (2019)
Vidéo HD, couleur, son
36 min
Courtoisie de l'artiste et Ceysson & Bénétière