Basile Ghosn
Né en 1991, vit et travaille à Marseille
En Juillet 1783, le Marquis de Sade écrivait à sa femme : “Vous m’avez fait former des fantômes qu’il faudra que je réalise.“ Cette citation – ou situation devrions nous dire – est le point de départ d’un roman d’Hervé Guibert et d’une œuvre récente de Basile Ghosn.1 En effet, le jeune diplômé de la Villa Arson fait référence à l’écrivain, tout comme aux artistes américains tels que Tom Burr et sa radicalité conceptuelle, Dan Graham et ses pavillons et modèles architecturaux ou encore New Order dont l’ivresse minimale est également une source d’inspiration. Basile Ghosn est un sentimental, de ceux que le mot n’effraie pas et dont les lectures et bandes sons new wave ou pop s’incarnent immédiatement en layers d’images dissolues systématiquement puis révélées par l’encre (toxique) de toners récupérés dans des copy-shop bon marché. Après avoir étudié l’architecture et notamment celle des bâtiments d’Oscar Niemeyer dessinés pour la foire internationale au Libandont il est originaire, le jeune artiste décide de poursuivre sa formation en faisant vibrer la grille moderniste par l’ajout d’éléments autobiographiques et architecturaux provenant de magazine spécialisés des années 1970 et 1980. En ce sens, il poursuit véritablement l’analyse d’Hervé Guibert et travaille lui aussi à partir d’images fantômes auxquelles il confère un modernisme anonyme. Dans ce roman, l’auteur raconte ses antécédants photographiques, loin d’un texte théorique, il s’agit davantage d’une suite de notes explorant les différents status de l’image tels que le récit de voyage, le Polaroid, la photographie à caractère pornographique ou encore divinatoire.2 Parmi eux, le Polaroid semble le plus proche des recherches de Basile Ghosn et célèbre lui aussi l’instantanéité comme processus d’apparition de l’image. Et ce n’est pas un hasard si cette firme américaine fut d’abord spécialisée dans la fabrication de lunettes de soleil à verres polarisants agissant comme des filtres du réel. Grâce à une révélation instantanée de l’image, un cadre blanc inédit, une photogénie indéniable de l’objet – et surtout de par son caractère unique allant à l’encontre même de la photographie en tant qu’élément reproductible – le Polaroid est immédiatement devenu culte. À l’instar des monotypes en verre du jeune artiste auxquels quelques notes viennent polariser les titres : grenadine, orange, menthe à l’eau, loveless, daydream…
furiosa, Juillet 2019
1. Vous m’avez fait former des fantômes, Hervé Guibert, Editions Gallimard, 1987.
Former des fantômes, (To Shape Ghosts), Basile Ghosn, 2018, encre et scotch sur photocopie, 20 x 33 cm, unique.
2 L’image Fantôme, Hervé Guibert, Editions de Minuit, 1981.