Tout le Monde
Sur une proposition de Cédric Aurelle, Tout le Monde est une invitation à fermer un instant les yeux et à plonger parmi les corps, les histoires, les mémoires et les énergies qui font Marseille. Accompagné par 5 artistes (Sophie Bueno-Boutellier, Julien Creuzet, Estel Fonseca, Jean-Christophe Norman, Yoan Sorin) ayant choisi de vivre à Marseille ou ayant développé une relation complice avec elle, Tout le Monde nous perd depuis l’hypercentre urbain jusqu’aux confins « naturels » de la ville, embrassant certains de ses azimuts géographiques et sociaux les plus significatifs. Benjamin Valenza, artiste basé à Marseille, réalise de petits films en documentant ces dérives urbaines.
Jeudi 27 août
11h Julien Creuzet : Descente d’escalier. Gare Saint-Charles
Rendez-vous sur le grand palier intermédiaire ouest de l’escalier monumental de la Gare Saint-Charles (à gauche en montant).
Vers 11h30 Jean-Christophe Norman : Ulysses, a long way. Boulevard d’Athènes
(après la Descente d’escalier de Julien Creuzet)
Quelque part sur le Boulevard d’Athènes entre l’escalier de la Gare Saint-Charles et La Canebière en suivant les traces d’écriture sur le trottoir.
Vendredi 28 août
11h Yoan Sorin : Via 66. Déambulation – Sud de Marseille.
Rendez-vous devant l’entrée du Parc Chanot porte A à 11h (Métro Rond-Point du Prado).
Samedi 29 août
10h45 – 12h30 Estel Fonseca avec Bouchta Saïdoun, Qu’entends-tu ? Que vois-tu ? La vie qui déborde. Marche – Nord de Marseille
Rendez-vous Place des Capucins (marché de Noailles) pour partir en métro à 11h direction Gèze. Déambulation dans les puces informelles et le marché des Arnavaux (possibilité de prolonger par un thé/déjeuner sur place).
Lundi 31 août
Reporté le samedi 5 septembre
17h45 Sophie Bueno-Boutellier : Balade en forêt. Méditation, avec la voix de Won Jin Choi – Îles du Frioul
Rendez-vous devant la Gare maritime Quai de Rive Neuve (métro Vieux-Port) muni d’un billet pour la traversée. Réservez votre Aller/Retour à la Gare Maritime (Navette de 18h10) jusqu’à la veille ou le jour même directement à la Gare Maritime Quai de Rive Neuve (attention les personnes qui ne seront pas munies de leur ticket de navette maritime ne pourront pas effectuer la traversée – prévoir d’acheter son billet 40 mn avant le départ).
18h50 Rendez-vous alternatif pour les personnes arrivées plus tôt au Frioul au bout du quai reliant les îles de Pomègues et Ratonneau, côté départ des promenades vers Pomègues (le débarcadère étant sur Ratonneau).
Ceux qui le souhaitent peuvent apporter de quoi se restaurer et se baigner (un pique-nique et baignade éventuelle auront lieu après la méditation).
Tout le Monde est une invitation à fermer un instant les yeux et à plonger parmi les corps, les histoires, les mémoires et les énergies qui font Marseille. A la faveur de cette édition singulière de la foire d’art contemporain dont le coeur fiévreux, le rendez-vous des galeries, est mis en sommeil en raison des circonstances, le temps nous est donné de retourner dans la ville qui depuis 13 ans fournit à l’événement le substrat matriciel invisible dont il se nourrit. Tout le Monde prend à rebours l’idée de programme VIP devenu le poncif de toute manifestation artistique internationale de type biennale ou foire. Le projet tend à s’éloigner de l’exercice liturgique conduisant à découvrir musées publics et collections privées comme autant d’interfaces sociales et mondaines permettant l’agrégation temporaire d’un système de l’art pensé en termes de réseaux, de carrières et de réussites. A la carte postale radieuse d’une ville méditerranéenne baignée de soleil, aux clichés éculés sur la cité dite phocéenne, Tout le Monde entend substituer non pas tant la « découverte de la ville comme un.e vrai.e local.e », selon un principe « d’expérience » du monde par trop fétichisé par une économie touristique et carbonée, mais bien plutôt de ré-envisager ce que pourrait être une écologie de l’art basée sur le voyage. Le voyage compris ici comme l’expérience d’une perte de soi – fut-elle intérieure, d’un déplacement de son propre centre – fut-il immobile, et d’une confusion de ses repères – aussi familiers fussent-ils. Ici, la ville serait à comprendre comme le véhicule métaphorique de cette perte et du chemin à y inventer pour se retrouver dans les accidents de son relief, les décombres de son histoire, la dramaturgie de son quotidien ainsi que dans les sédiments laissés par d’autres avant soi.
Accompagné par des artistes ayant choisi de vivre à Marseille ou ayant développé dans le temps une relation complice avec elle, Tout le Monde nous perd depuis l’hypercentre urbain jusqu’aux confins « naturels » de la ville, embrassant certains de ses azimuts géographiques et sociaux les plus significatifs.
Lieu manifeste de l’arrivée, de l’accueil, de l’entrée dans la ville de l’étranger, du migrant ou du voyageur, la Gare Saint-Charles est aussi le point de départ de Tout le Monde. Offrant depuis son parvis un des plus beaux points de vue sur Marseille, elle se distingue par le décor sculpté de son escalier monumental par Louis Botinelly (1927) dont le programme est un hymne pétrifié à la colonisation de l’Asie et de l’Afrique sous la forme allégorique de deux femmes lascives dont le consentement forcé les contraint dans la pierre depuis presque un siècle. Célébrant de manière problématique « l’aventure coloniale » qui a fondé l’essentiel de la puissance et la richesse de Marseille, le monument demeure non interrogé au coeur du carrefour migratoire de la gare et du quartier populaire de Saint-Charles, soudain revenu dans le champ du visible sous la geste haute en couleurs et colères des manifestants de Black Lives Matter et Justice pour Adama en juin dernier. A son tour, Julien Creuzet, homme noir descendant l’escalier, revient mettre des mots sur ces pierres insoutenables et opposer à l’ordre minéral des assignations raciales le chaos verbal et gestuel d’un Tout-Monde glissantien.
Au pied des escaliers de la gare, tel un prolongement métaphorique de l’arrivée pensée comme un départ vers d’autres horizons géographiques et temporels, le boulevard d’Athènes renvoie aux confins de l’Europe méridionale et par retour au récit fondateur d’une ville créée par les grecs il y a 2600 ans. C’est sur ces trottoirs que Jean-Christophe Norman poursuit la ré–écriture, à la craie sur le bitume, de l’Ulysse de James Joyce. Processus entamé dans d’autres villes du monde précédemment, ce projet trouve dans la conjonction nominale des espaces physiques, littéraires et mythologiques un jeu de mise en abyme qui introduit à la ville comme le lieu d’un égarement total, à la manière de ce monde entier contenu dans une seule journée et un seul lieu qu’est le Dublin décrit par James Joyce dans son Ulysse. Au voyage sans fin de l’Ulysse homérique dans la quête d’un retour chez soi, Jean-Christophe Norman superpose un principe matériel d’écriture au sol qui transforme l’asphalte urbain en palimpseste infini dont les semelles des passants ne cessent de modeler la trame en autant de scénarios individuels dont la somme produirait l’hypothèse d’une ville.
Dérivant vers le sud de la ville et ses beaux quartiers, Tout le Monde rejoint Yoan Sorin près du Rond-Point du Prado, du parc Chanot et en direction de la mer sur les traces de son grand-père. Boxeur d’origine martiniquaise, François Pavilla a mené un de ses derniers combats le 5 février 1966 à la piscine du Chevalier Roze située alors Boulevard Michelet. Le boxeur décédera peu de temps après des suites des blessures lors d’un autre combat. Antiquité grecque et corps prolétaires ou racialisés en lutte se retrouvent dans le caractère olympique de la piscine. L’artiste explorant les archives sonores et écrites de l’époque convoque dans son récit Buster Keaton, Mick Jagger, des vendeurs de glaces Frigolo et autres souvenirs fantômes liés à son grand-père dans Marseille.
Mettant le cap au nord, Tout le Monde se retrouve dans le ventre de la ville, le Marché de Noailles pour suivre Estel Fonseca et son complice Bouchta Saïdoun dans une marche imprévisible Qu’entends-tu ? Que Vois-tu ? La vie qui déborde qui nous conduit à travers les cellules mouvantes du corps urbain jusqu’aux puces des Arnauvaux. Les deux artistes livrent une interprétation textuelle pathologique de la ville qui apparaît comme un corps vivant traversé de maladies, de virus et de cicatrices participant de son élan vital même.
Pour finir sa dérivation, Tout le Monde s’embarque pour un ultime voyage, en mer celui-ci, afin de retrouver Sophie Bueno-Boutellier afin de méditer sur les îles du Fioul, au coucher du soleil. A la manière de la vestale d’un culte antique, l’artiste nous accompagne en méditation en prise avec les énergies naturelles dont est chargé un site articulé autour du dialogue de puissances telluriques, maritimes et éoliennes. Avec en arrière-plan le panorama historique, géographique, urbain et social qu’offre la ville depuis les îles ; face à l’horizon d’un éternel recommencement contenu dans les éléments. Purifié des scories du voyage, préparé à un nouveau départ.
Sophie Bueno-Boutellier
Sophie Bueno-Boutellier a eu de nombreuses occasions de montrer son travail en France et à l’étranger. Elle est représentée par les galeries The Approach à Londres et a été représentée par Freymond-Guth Fine Art à Bâle et New-York. Ses récentes expositions personnelles comprennent, Le Don de Gaïa présentée en 2017 à la Galerie The Approach à Londres, La ritournelle du peuple des cuisine à la Fondation d’entreprise Ricard, They sing a song only you can hear à The Approach ; Let me steal this moment from you now chez Freymond-Guth en 2013, C’est à crier tellement c’est bleu chez Circus, Berlin (2012); et Pensée Sauvage au Kunstverein de Langenhagen en 2011. Elle a aussi participé à de nombreuses exposition de groupes, notamment White Noise, à la Kunsthaus Glarus et Rotrixagatze chez On Stellar Rays à New York en 2015. DIZIONARIO DI PITTURA chez Francesca Minini à Milan et Occupy Painting, organisé par Max Henry à Autocenter à Berlin en 2014. Puis en 2012 Archéologie(s), organisé par Aurélie Voltz au Musée du château des ducs de Wurtemberg de Montbéliard; et The Possessed à Triangle Marseille.
Elle travaille actuellement sur le projet Touche-Moi, pour le Panorama de la Friche le Belle de Mai (production Fræme)
@sophie_bueno_boutellier
Julien Creuzet
Né en 1986 en France, Julien Creuzet est un artiste visuel, un vidéaste, un performeur et un poète. À travers des environnements constitués d’ensembles composites, il explore différents héritages culturels en créant des ponts entre les imaginaires de l’ailleurs, les réalités sociales de l’ici et du maintenant et les histoires oubliées des minorités. En associant différentes temporalités et géographies, et préférant l’anachronisme et la collusion à la simplicité des discours établis, Julien Creuzet convoque les registres de la vie et de la technologie, de l’histoire et du mythe, du poétique et du politique.
@julien.creuset
Estel Fonseca
Ce qui a cours dans la vie d’Estel et ses projets est intriqué. En 2018, elle fait face à l’impensable de la maladie, de l’impossible à dire, à décrire, à penser. Elle donne forme à une contamination symbiotique où tout peut prendre forme, où tout est plastique, comme les corps en charge d’incarner ce qui germe. Elle travaille avec la création du visible par l’invisible. Bien que la matière physique et l’image soient jusqu’à présent des lieux d’expérience privilégiés, sa démarche se rapproche de plus en plus de la forme vivante. C’est le vivant et l’imprévisible qui l’intéresse. Elle écrit des actions qui engagent le corps comme véhicule d’expériences, ce par quoi on est au monde. Tentative de représentation vivante d’une idée : l’humain dans le vivant et le vivant dans l’humain.
Le tremblement est invisible à Rennes au HubHug de 40mcube (2016), à Marseille avec Sauvetage vertical à la galerie Straat (2017), Automne Hiver Intersaison à la galerie du Tableau (2019) et En phase de digestion à la galerie HLM (2020).
@estel_fonseca
Jean-Christophe Norman
Profondément influencée par Borges, l’œuvre de Jean-Christophe Norman (né en 1964, vit et travaille à Marseille) prend la forme de performances, de marches, d’écritures, de photographies ou de dessins pour interroger les notions de temps, de territoire et de copie.
Depuis 2006, Jean-Christophe Norman développe une suite d’explorations systématiques de grands ensembles urbains à travers le monde avec des principes d’analogie, de superposition et d’évocation d’espaces géographiques autres en reproduisant précisément par la marche les contours d’une ville dans une autre.
@jeanchristophenorman
Yoan Sorin
Yoan Sorin vit et travaille entre Douarnenez et Marseille. Il est diplômé de l’École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole et des universités de Montréal et de Cuenca. Ses dessins, peintures, vidéos et performances troublent les distinctions entre la culture populaire et l’art.
À travers de nombreuses collaborations, il explore et réinvente de nouveaux processus de création. Ses installations ont souvent un double statut, une fois activées, les œuvres deviennent des accessoires de performance. Son travail a été présenté au MNAC (Bucarest, 2016), à la Hunter East Harlem Gallery (New York, 2018) et au Cac Bretigny en 2019.
Il collabore avec la galerie 14n61w à Fort de France depuis 2018.
@y0ansorin