sans titre, Paris x Union Pacific, Londres
Caroline Mesquita, Wei Libo
I Dreamt I Dwelt in Marble Halls
Un rêve étrange m’a conduit ici.
Une fois, je suis entrée dans une maison inconnue qui semblait assez ordinaire. Je me suis retrouvée seule parmi les affaires de quelqu’un d’autre et j’ai commencé à explorer. « Il y a quelqu’un ? », ai-je appelé, accueillie seulement par un silence creux. J’ai erré à travers différentes pièces, revenant dans le couloir qui menait au salon. Là, un beau canapé crème me faisait face. En m’asseyant, j’ai réalisé qu’il n’était pas réel ; sa texture cuir lustré était une illusion complète. J’ai attrapé une pêche dans un panier à côté ; elle était trop légère pour être réelle. Je me suis levée brusquement et j’ai examiné chaque objet dans la pièce. Tout était faux.
Les oeuvres de Caroline Mesquita (née en 1989, France), présentées par Union Pacific, et de Libo Wei (né en 1994, Chine), présentées par Sans titre à Art-o-rama 20241 à Marseille, m’ont rappelé ce moment. Alors que mon corps se déplaçait dans différents espaces, mes doigts glissaient sur les aspérités de chaque surface. D’objet en objet, dans ce monde surréaliste et ambiguë, la pointe de mes doigts me révélait progressivement leur tangibilité trompeuse.
Je navigue dans un univers théâtral et carnavalesque où formes humaines et animales interagissent, aussi grandes qu’en réalité, avec leurs peaux oxydées et leurs cicatrices soudées. La pratique de Caroline Mesquita est celle d’une alchimie métallurgique, forgeant des sculptures figuratives qui incarnent le passage du temps et l’essence de la métamorphose, modelables à l’infini. Munie d’une clé en laiton, j’ouvre des portes où je ne sais plus ce qui distingue la réalité du fantasme. Parfois entrelacées avec la vidéo, ses oeuvres tissent des récits empreints d’illumination et d’obscurité. Les émotions sont gravées dans la matière tout comme l’esprit du spectateur, brutes et robustes, dans un royaume où le tangible et l’éphémère conversent en chuchotant.
Dans le creux de l’oreille j’écoute le craquement si particulier de la maison familiale. Je contemple des pastèques que j’ai envie de croquer, rangées à la place des robes de ma grand-mère, dans la grande armoire en bois. Au rythme d’un travail méticuleux, Libo Wei fait raconter des histoires aux matières qu’il emploie. Délicatement, à la main, dans des médiums soigneusement choisis, sa pratique crée des univers où résonnent souvenirs, nostalgie et expériences intimes. Le choc de la tradition et de la modernité dans la Chine contemporaine dont il est témoin offre une réflexion poignante sur une histoire qui nous est commune. Ces reliques sauvegardées et recyclées créent des récits sculpturaux sur les paysages changeants de l’identité.
Caroline Mesquita et Libo Wei capturent des fragments de vie à taille réelle, qui à y regarder de près sont plus grands que nous. De quelle vie parle-t-on quand on est témoin du monde contemporain ? Dans leurs oeuvres la poésie et la complexité de l’existence se croisent. Ensemble, Mesquita et Wei créent des installations qui oscillent entre le familier et l’étrange, comme dans les rêves – ou la réalité, je ne sais plus. Pour le savoir, il faut s’approcher pour mieux reculer.
Les galeries Union Pacific (Royaume-Uni) et Sans titre (France) ont régulièrement exposé à Art-o-rama, revenant à Marseille presque chaque été. Pour la première fois, elles présentent ensemble à Art-o-rama, célébrant ainsi leur affinité de longue date.
https://www.unionpacific.co.uk/