La Compagnie Fruitière Residency
Amandine Guruceaga
Partenaire d’ART-O-RAMA depuis 2015, la Compagnie Fruitière renforce son engagement en faveur de la création contemporaine et a initié un programme de résidence en Afrique. Pilotée par Fræme, la résidence internationale de la Compagnie Fruitière a accueilli Wilfrid Almendra en 2017 au cœur de ses plantations du Haut Penja au Cameroun, Marie Bovo en 2018 sur ses cultures fruitières au Ghana et au Sénégal et accueille aujourd’hui Amandine Guruceaga sur les terres de Côte D’Ivoire. Cette résidence à dimension variable offre à chaque artiste un cadre unique et une temporalité adaptée à son projet.
Diplômée de l’École supérieure des Beaux-Arts de Marseille en 2013, Amandine Guruceaga installe la même année sur la plage du Prado une commande publique, Mirador balnéaire, dans le cadre de Marseille-Pro- vence 2013 (Marseille Capitale européenne de la culture). Son premier solo show Nana Benz à Diagonales 61 s’articule autour de ce surnom donné aux femmes togolaises qui ont dominé le commerce de la mode et du tissu en Afrique de l’Ouest dans les années 1970 et 1980. Cette exposition préfigure sa fascination pour la migration des formes et des motifs, à travers notamment les wax colorés qu’elle altère, efface et révèle dans ses sculptures.
En 2014, elle passe trois mois en résidence d’échange aux Glasgow Sculpture Studios, où elle se saisit du tartan écossais et produit un ensemble de sculptures montrées lors du solo show Wupu Beach Bang à la Pipe Factory. À son retour, elle cofonde TANK, à Marseille, un artist-run space, lieu de production et de diffusion où sont invités des artistes. En 2016, elle est co-commissaire de Raoul Reynolds : une rétrospective, exposition double volet présentée lors du festival Glasgow International et à la Friche la Belle de Mai. Elle a présenté ses œuvres à la galerie Quadrum à Lisbonne, à la villa Arson dans le cadre de RUN RUN RUN, ou encore à Mains d’Œuvres à Saint-Ouen. En 2018, lors de son solo show à la galerie Montéverita elle présente l’aboutissement de ses recherches sur le cuir développées durant sa résidence LVMH Métiers d’Art et plus récemment lors des Révelations Emerige et du Salon Montrouge.
Amandine Guruceaga
Lady Rosebud 2019
Côte d’Ivoire
Porter une « fleur de mariage », surveiller « l’œil de ma rivale », apparaître en « Génito », dire « chéri ne me tourne pas le dos », sont autant de messages envoyés aux proches, à un mari, à la société en général dès lors que l’on souhaite se marier, quand on éprouve les affres de la jalousie, si l’on s’affirme comme force de la nature et géniteur fantasmé ou encore lorsque l’on réclame de l’amour et de l’attention.
Ces mots, ici couchés sur le papier, sont les significations données à des motifs dupliqués sur les Wax. A chaque textile son dessin sui generis porteur de message. Arborer telle étoffe plutôt que telle autre est une manière d’affirmer son état d’esprit, son envie, son urgence et sa culture.
La communication prend parfois des chemins singuliers et Amandine Guruceaga, dès les prémices d’une œuvre en train de se faire, relève, dans la singularité des chroniques relatant la puissance du Wax, d’abord britannique, puis largement néerlandais alors que commercialisé en Afrique Subsaharienne, le creuset d’une histoire des hommes et de leurs relations de pouvoir.
Intitulé Lady Rosebud, le projet protéiforme d’Amandine Guruceaga est né de sa résidence passée en Côte d’ivoire, au cœur du domaine de Tiassalé, le titre étant une citation au bateau convoyeur de marchandises qui relie le continent Africain à l’Europe.
L’artiste associe les tissus, messagers de l’intime, aux grilles nommées fort justement les « anti-vols », qui sont apparus sur les façades des nouvelles villes coloniales de l’Afrique afin d’en protéger les occupants tout en affirmant leur richesse, en contraste aux architectures vernaculaires largement ouvertes à la communauté.
L’assemblage du métal au tissu, du motif apparu d’abord par l’effort des soudeurs, les structures métalliques affichant fièrement leurs missives, lesquelles, couplées au Wax lui-même, présentent leur message comme altéré, produisant une forme de vitrail hybridé, un mixage de matériaux en forme de bas-relief, une alchimie ajourée, un objet hésitant entre son utilité et sa préciosité, une anomalie.
Lady Rosebud, série d’œuvres ici présentées, s’approprie une forme modifiée d’habitat traditionnel, où les papeaux (papo) qui leur sont empruntés emporte le visiteur au cœur du vernaculaire. « L’histoire est inscrite dans la matière » nous dit Amandine Guruceaga, et Lady Rosebud de nous raconter celle de sa résidence, du travail réalisé en collaboration avec les mécaniciens du domaine de Tiassalé, de cette rencontre avec un territoire plus vaste encore que constitue le paysage de la Côte d’Ivoire, habité par des femmes et des hommes, incarné dans une culture puissante et héritière des soubressauts du passé.
L’échange a eu lieu, une alchimie qui ne dénature en rien mais plutôt déplace, s’est opérée par la lente élaboration des formes et des matières, elle est ainsi fidèle à sa pratique artistique qui traverse les frontières autant plastiques que géographiques.